Les livres ne sont pas essentiels

Quand j’étais à l’école primaire, j’ai fait un voyage en France. Mais avant d’y aller, il fallait participer à des activités de financement.

Ce que je détestais le plus, c’était quand il fallait aller parler de notre projet de voyage aux passants dans le centre d’achat, et leur demander des dons. J’haïssais tellement ça!

C’était beaucoup plus facile pour moi quand on offrait un service de vestiaire au cinéma, et qu’on demandait aux gens de nous donner 2$ pour qu’on prenne soin de leur manteau.

Un service de vestiaire, c’est utile. Peut-être pas essentiel, mais utile. Surtout en hiver, tsé! Mais donner de l’argent à une enfant qui quête pour pouvoir aller en France avec d’autres jeunes de son école, ce n’est pas utile. Pour quelqu’un qui veut juste magasiner en paix, c’est peut-être même gossant, surtout si l’enfant en question ne parle pas fort et qu’elle n’est clairement pas à l’aise de t’aborder pour te parler de son futur voyage et te demander de l’argent.

De nos jours, je ne quête pas pour partir en voyage, mais j’essaie de vendre mes livres. Et je trouve ça difficile. Pas autant que demander de l’argent dans un centre d’achat… mais difficile quand même.

C’est un peu parce que je suis introvertie et qu’interagir avec les gens me demande beaucoup d’énergie.

Mais c’est aussi parce que les livres ne sont pas essentiels.

Belle, qui gambade joyeusement autour d’une partie de ma PAL, n’est pas d’accord avec moi.

Bon, ok, pour les gens qui aiment lire, les livres sont essentiels. On en a besoin. Plus on a de livres, mieux c’est!

Je devrais plutôt dire que MES livres ne sont pas essentiels.

Les passionnés de lecture ont besoin de livres, mais ils n’ont pas besoin des miens en particulier. Et dans ma tête de fille qui trouve ça difficile de vendre ce qu’elle fait et qui réfléchit beaucoup à ce genre de choses, c’est un problème.

Des livres, il y en a partout. On peut en emprunter à la bibliothèque, ou même en trouver dans une boîte à livres. Pourquoi est-ce que quelqu’un achèterait les miens?

J’ai fini par comprendre que pour que quelqu’un ait besoin de lire un livre, il faut lui donner envie de le lire.

C’est simple. Évident, même. Et pourtant, quand j’ai constaté ça, une lumière s’est allumée au-dessus de ma tête et des petits anges ont joué de la trompette pour souligner à quel point c’était important.

Ben oui, j’ai compris que pour vendre mes livres, il faut que je donne envie aux gens de les lire.

Super! Mais… c’est là que ça bloque pour moi.

Je fais de mon mieux, dans les salons du livre, pour parler de mes livres avec enthousiasme. Ce n’est pas nécessairement désagréable, mais ça gruge mon énergie. Et c’est quand même rare que je réussis à convaincre quelqu’un de me lire, ce qui devient décourageant à la longue.

Hélas, je ne suis pas un puits sans fond d’enthousiasme, moi!

Au moins, je sais que même si mes livres ne sont pas essentiels, ils valent la peine d’être écrits, et il valent la peine d’être lus.

Il faut juste que je donne assez envie aux gens de les lire pour qu’ils aient besoin de les acheter, et que je le fasse avec autant d’aisance qu’une petite fille qui offre un service de vestiaire à 2$ dans l’entrée d’un cinéma en sachant que c’est beaucoup mieux que d’aller quêter au centre d’achat.

Je vais continuer à essayer.

Et toi, de ton côté, si tu as lu un livre, n’importe quel livre, que tu as vraiment aimé, n’hésite pas à en parler avec enthousiasme.

Je pense que ça peut vraiment faire une différence, surtout pour les auteurs inconnus.

Mes livres et les salons

Ça fait longtemps que je n’ai pas participé à un salon littéraire avec mes livres… Les évènements ont tous été annulés, évidemment, et je ne sais pas quand il y en aura de nouveaux.

Il va peut-être falloir attendre à la fin de l’apocalypse!

Je pense que mes livres s’ennuient un peu. Le fait de pouvoir sortir de leurs boîtes de temps en temps, à la vente-trottoir, au Salon littéraire du Québec, à la Pause littéraire, ou pour une petite séance de signature, ça leur permettait de prendre l’air un peu, de voir passer des gens et, de temps en temps, de se faire acheter.

Ma première participation à la vente-trottoir remonte à 2015! Dans ce temps-là, je n’avais que Le Parfum du Vent… (Photo par Guy Samson.)

Maintenant, ils restent dans leurs boîtes, dans mon salon. Peut-être qu’ils aimeraient que je les sorte de là et que je les emmène prendre une petite marche dehors… mais je n’en suis pas encore rendue là dans mon inexorable cheminement vers la folie artistique!

Mais moi… est-ce que je m’ennuie des évènements littéraires? Pas tout à fait. Oui, et non, on pourrait dire.

Ce que j’aime le plus de ces évènements, au fond, ce sont les rencontres avec mes amis auteurs, et avec des auteurs que je ne connais pas encore.

Me voici à une Pause littéraire, en 2017. J’avais déjà plus de livres de disponibles! (Photo par Création Lune)

J’aime aussi quand je réussis à vendre un ou des livres à des lecteurs intéressés, bien sûr! Mais ça arrive si rarement…

Ce que je n’aime pas, quand je participe à des évènements littéraires, c’est être assise à ma table, voir les gens passer en m’ignorant, ou pire encore, en me jetant un genre de regard ahuri et dédaigneux qui semble vouloir dire «Ark… c’est quoi ça… des livres… ben voyons…». Il y a des passants sympathiques qui me sourient et me saluent, aussi, et ça, c’est agréable!

Mais quand des gens s’approchent pour regarder mes livres, je ne sais pas toujours comment réagir. Oui, j’aime mes livres, et j’aime parler d’eux… mais uniquement si mon auditoire semble intéressé. Si quelqu’un s’approche de ma table et fixe mes livres avec un air bête qui me rend mal à l’aise, non, je ne vais pas commencer à lui faire une conférence sur mes livres.

Et si quelqu’un prend un de mes livres, et en lit le résumé d’un air concentré, je ne vais pas commencer à lui résumer l’histoire, ou à lui donner 50 raisons pourquoi ce livre est génial et mérite d’être acheté.

Bref… je ne suis pas bonne vendeuse, et je n’ai pas envie de devenir bonne vendeuse. J’aimerais simplement que quelqu’un s’intéresse assez à mes livres pour me poser des questions, pour qu’on puisse avoir une discussion qui, peut-être, va se conclure par une vente.

Ça arrive de temps en temps… Mais la plupart du temps, dans les salons du livre, je finis par me sentir comme ça:

Au Salon littéraire du Québec, en 2015, pendant un moment de détresse existentielle. (Photo par moi-même)

Quand il va de nouveau y avoir des évènements littéraires, oui, je vais y participer.

Mais en attendant, j’avoue que j’apprécie cette pause, loin de ces interactions difficiles, ratées ou inexistantes avec des lecteurs potentiels; interactions qui me rappellent que je suis et serai toujours introvertie, et qui me font parfois remettre toute mon existence en question.

Tant qu’à ne pas vendre beaucoup de livres, je préfère qu’ils soient dans mon salon à moi même si eux, ils trouvent ça plate!